Du 14 au 18 octobre 2025, une mission d’information et de lancement s’est tenue à Darou Khoudoss et à Vélingara, dans le cadre du programme Pathways to Protection (P2P) mis en œuvre par Enda Tiers-Monde, en partenariat avec Enda DIAPOL et Enda LEAD. Cette mission, à laquelle j’ai pris part en tant que personne ressource, marque une étape déterminante dans la mise en œuvre d’une étude visant à comprendre les dynamiques migratoires contemporaines et à identifier les alternatives locales à la migration irrégulière.
étude sur les dynamiques migratoires et les alternatives
Vers une compréhension territorialisée des migrations
L’étude P2P s’inscrit dans une perspective renouvelée de l’analyse migratoire au Sénégal. Elle s’éloigne des approches purement statistiques pour privilégier une lecture qualitative, institutionnelle et territoriale des réalités migratoires.
Son ambition n’est pas de dresser un nouvel état des lieux des flux, mais de décrypter les mécanismes d’accès à l’information, aux dispositifs de protection et d’appui, ainsi que les représentations sociales de la migration dans des contextes locaux contrastés.
Cette orientation permet d’ancrer la réflexion sur la migration dans le champ de la gouvernance territoriale, en réaffirmant que la décision de partir ou de rester n’est jamais isolée : elle dépend de réseaux d’influence, de croyances, de dispositifs institutionnels et de contextes socio-économiques qui structurent les choix individuels.
Une approche qualitative et participative
La méthodologie adoptée repose sur une démarche de recherche-action participative, mobilisant trois outils complémentaires :
- des entretiens individuels semi-directifs, pour saisir les logiques et récits des migrants de retour, des jeunes candidats au départ et des familles ;
- des focus groups, pour comprendre les représentations collectives et les dynamiques de cohésion ou de tension autour du fait migratoire ;
- une cartographie analytique des dispositifs d’appui, publics, communautaires ou privés, afin d’évaluer la cohérence et les complémentarités des acteurs de terrain.
L’objectif est double : produire une intelligence qualitative utile à l’action, et poser les fondements d’un dispositif durable d’orientation et d’insertion.
Deux territoires, deux visages d’un même défi national
Le choix de Darou Khoudoss et de Vélingara illustre deux réalités migratoires qui, bien que distinctes, traduisent les mêmes tensions entre vulnérabilité, résilience et quête d’avenir.
Darou Khoudoss, commune côtière frappée par l’érosion, la raréfaction des ressources halieutiques et la pression foncière, incarne la migration climatique et économique.
Vélingara, territoire de l’arrière-pays marqué par la pauvreté structurelle, la faiblesse de l’emploi formel et les migrations transfrontalières, représente la migration structurelle et sociale.
Ces deux contextes traduisent les visages opposés mais convergents de la migration irrégulière : celle qui résulte de la perte de moyens de subsistance et celle qui s’enracine dans la quête d’un ailleurs perçu comme porteur d’opportunités.
Les analyser conjointement permet d’enrichir la compréhension du phénomène migratoire à l’échelle nationale et d’ouvrir la voie à des réponses différenciées, contextualisées et territorialisées.
Le rôle structurant du CARIMA
L’étude appuie directement le développement du Centre d’Accompagnement pour la Réinsertion et l’Insertion des Migrants Africains (CARIMA), dont la vocation est d’offrir un cadre d’écoute, d’orientation, de formation et de réinsertion.
Les résultats attendus permettront au CARIMA de devenir un outil de coordination et de référence, articulant les initiatives des collectivités, des services techniques, des ONG et des programmes publics autour de parcours d’accompagnement cohérents.
Deux conventions signées lors de la mission matérialisent cet ancrage institutionnel :
- à Darou Khoudoss, la création d’un CARIMA à Fasse Boye, site emblématique du phénomène migratoire et des impacts côtiers ;
- à Vélingara, la relance du centre départemental, qui abritera les dispositifs des programmes P2P et EMBRACE sur la période 2025-2028.
Une vision intégrée de la migration
Cette mission dépasse le simple cadre d’un projet : elle illustre une vision intégrée de la migration où la recherche, l’action et la gouvernance locale se rejoignent. Elle montre que la lutte contre la migration irrégulière ne saurait se limiter à la dissuasion ou à la sensibilisation, mais passe par la construction d’alternatives crédibles : accès à une information fiable, dispositifs de formation, accompagnement entrepreneurial, inclusion sociale et protection des plus vulnérables.
À travers cette étude, Enda Tiers-Monde et ses partenaires contribuent à renforcer la résilience communautaire et à repositionner les territoires au cœur de la gestion des mobilités humaines.
Ce faisant, ils participent à la redéfinition d’un paradigme fondamental : la migration n’est pas un problème à résoudre, mais un phénomène à gouverner, avec intelligence, équité et ancrage territorial.
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