Sylla Académie

Il est des gestes politiques qui méritent, à bien des égards, que l’on s’y arrête. Des gestes qui valent plus que mille discours. Des décisions qui résonnent avec la gravité des siècles, et qui, par la seule force d’un symbole, redonnent voix aux silences étouffés de l’Histoire.

En choisissant de rebaptiser le boulevard Général-de-Gaulle en boulevard Mamadou Dia, le Président Bassirou Diomaye Faye ne s’est pas contenté d’un acte administratif. Il a posé une pierre mémorielle dans le cœur battant de Dakar. Il a redressé une injustice, rétabli une vérité, et offert à la nation sénégalaise une page nouvelle, écrite cette fois avec l’encre de sa propre souveraineté.

Mamadou Dia n’est pas une figure du passé : il est le passé qu’on avait gardé sous scellé, l’avenir qui, dans le silence, appelait justice. Premier Président du Conseil du Sénégal autonome, il fut ce stratège visionnaire, ce militant de la dignité africaine, qui rêvait d’un Sénégal debout, juste et souverain. Sa rigueur, son éthique, sa foi dans l’émancipation réelle du peuple sénégalais en faisaient une conscience rare. Trop rare, d’ailleurs, pour ne pas être écartée. Jeté dans l’ombre d’une prison pour une histoire politique que les archives peinent encore à démêler avec honnêteté, il avait disparu de la scène, mais jamais de l’âme des lucides.

Aujourd’hui, à l’heure où le pays s’engage sur les sentiers escarpés d’un renouveau, son nom revient, non comme une relique, mais comme une boussole. Ce boulevard qui portait le nom du Général de Gaulle – figure tutélaire de la France, certes, mais aussi symbole d’un ordre mondial dans lequel les voix africaines ont trop souvent été secondaires – devient désormais la voie de Mamadou Dia. Le centre de Dakar se voit confié à celui qui porta, dans les premières heures de l’indépendance, les espoirs les plus purs d’un socialisme africain, enraciné, solidaire, intransigeant sur les valeurs.

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une rupture avec la France. C’est une reconquête du récit. Il ne s’agit pas non plus d’une vengeance, mais d’un retour à l’équilibre.

En réalité, l’Afrique n’a jamais demandé à effacer les autres. Elle demande à ne plus être elle-même effacée. En remplaçant le nom du Général de Gaulle par celui de Mamadou Dia, le Sénégal affirme que sa route vers l’avenir ne peut être guidée que par ceux qui l’ont aimée jusqu’à l’exil, jusqu’au sacrifice.

Il s’agit d’une géographie de la mémoire qui s’écrit en lettres d’or. Si vous interrogez les professeurs Alioune Ba, Fadel Kane, Alioune Kane, Lat Soucabé Mbow ou d’autres figures de la pensée géographique, ils vous diront que les toponymes ne sont plus de simples repères, mais des fragments de vérité nationale, posés comme des bornes sur le chemin de la souveraineté intellectuelle.

Le geste du Président Bassirou Diomaye Faye est à la fois réparation et vision. Il tend la main à l’Histoire et regarde l’horizon. Il ne s’agit pas seulement de saluer un homme, mais de refonder le pacte mémoriel entre un peuple et ceux qui l’ont défendu avec loyauté.

Là où d’autres se contentent de slogans, il propose une politique du sens, une pédagogie de l’honneur. Et c’est toute la jeunesse sénégalaise qui peut, désormais, marcher sur le boulevard Mamadou Dia comme on remonte le fil de sa propre dignité retrouvée.

Ces jours arrivent inéluctablement. Ces jours où la République se regarde dans le miroir de ses grands hommes et décide enfin de leur donner place et nom. Ce jour-là, à Dakar, la République du Sénégal a levé la tête, et dans les traits de Mamadou Dia, elle a reconnu son propre visage.

Vive le Sénégal. Vive l’Afrique.

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